Interviewé : Bruno Vannod, co-fondateur.
Ratecard : En quoi un media-buying desk peut-il épauler les annonceurs dans leurs campagnes sociales ?
Brunno Vannod : Les médias se digitalisent de plus en plus et les transactions publicitaires (achat et diffusion des contacts publicitaires) peuvent maintenant, pour une grande partie d’entre elles, être « automatisées », c'est-à-dire gérées par le biais de plateformes. Cela permet d’aller plus loin dans la programmation et l’optimisation des campagnes média. Avant, on achetait simplement des emplacements sur des supports pour toucher une cible précise au milieu d’autres utilisateurs en fonction de la composition d’audience du support. Aujourd'hui, on peut acheter sur la base de contacts publicitaires utiles : on peut sélectionner le bon individu sur le bon emplacement au bon moment. On n'a donc plus à assumer la déperdition liée à l’obligation d’acheter une grande partie ou tous les utilisateurs potentiellement en contact avec cet emplacement. Cela est rendu possible notammment par l’utilisation de datas en temps réel qui permet de s’affranchir d’un process de décision fondé uniquement sur des données de panels. Adapté au discours social, quand on fait du targeting sur Facebook par exemple, on peut choisir, entre autres, l'âge, le sexe, la localisation et les centres d'intérêt d'un utilisateur. Ces capacités de targeting ont également une incidence sur le travail de création publicitaire ; le message pouvant être adapté à l’envi sur les différentes cibles choisies. Aussi l'époque du message unique décliné selon les formats est révolue : il faut réfléchir en termes d'objets publicitaires, c'est-à-dire en fonction des cibles et des scénarios que l'on va décliner pour toucher tel ou tel type de profil, de façon à exposer la création la plus pertinente à l’utilisateur en fonction des informations (non nominatives) que l’on peut avoir sur lui . Sur Facebook, s'il n'y a pas de déclinaison du message en fonction de l'utilisateur, il est réelement complexe de bien optimiser sa campagne, simplement parce qu’on ne parvient pas à obtenir les taux de clic optimums et que, de facto, on paye le clic plus cher que si l’on maximise le nombre de déclinaisons. C'est assez simple sur le papier, mais pour les annonceurs, cela devient complexe : il faut gérer des créations, des écrans, des contextes, des formats et des datas multiples. Notre métier sur le média social comme sur d’autres environnements, c'est de les aider à comprendre cette complexité, d'opérer avec eux et pour eux afin de répondre à leurs objectifs de campagne, qu'il s'agisse de notoriété, d'engagement ou de ROI. Il ne faut jamais oublier une chose : le Key Performance Indicator choisi par l'annonceur doit être l’élement à prendre en considération en premier lieu pour opérer une campagne publicitaire.
RC : Quelles sont les spécificités des plateformes sociales en terme de publicité ?
BV : Le modèle de chacune des plateformes est quasiment unique à date. Si on parle des réseaux sociaux grand public, les offres les plus abouties aujourd’hui sont bien évidemment celles de Facebook et de Twitter sur le marché européen. Concernant Facebook, les aspects ciblages et les possibilités de travailler sur l’image de la marque pour qu’elle soit appréciée par l’utilisateur du service sont réelements des points différenciants. Quant à Twitter, c'est particulier. Les possibilités d'expression publicitaire se font via des promoted tweets et des promoted accounts. Sur Facebook, même si ce ne sont pas forcément les métriques classiques (nombre d’impressions servies, taux de clic…) qui comptent le plus sur certaines campagnes, on peut trouver des ressemblances avec des modèles publicitaires habituels. Sur Twitter il n'y a à date que peu de référents sur l’impact d’un promoted tweet par exemple. Beaucoup de choses restent à appréhender pour les annonceurs à ce niveau.
Pour LinkedIn et Viadeo, ce sont des emplacements qui offrent potentiellement de très bons retours dans des logiques de campagne B2B.
RC : Comment appréhender, dans ce cas, le media Social ?
BV : Là ou le social révolutionne les règles du jeu publicitaire, c'est comme évoqué précédemment sur les notions d'engagement à la marque. Les formats développés par Facebook sont à ce niveau très intéressants ; les sponsored stories, à savoir pour la définition, la récupération des actions ou des éléments de langage d'un utilisateur afin de créer un message de la marque à l'attention des amis de cet utilisateur. En terme d'engagement, cela n'a aucun équivalent. A partir de ce moment, la perception de la personne exposée au message est complètement changée, ce n'est plus la marque qui fait la promotion de quelque chose, mais un de ses amis qui cautionne le message. Par exemple, un utilisateur X dit « Je suis fan de la marque untel » ; quand la marque va s'adresser à l'ami de ce contact X, soit le contact Y, le message ne sera plus « clique ici et deviens fan de untel », mais « ton ami est fan de untel, deviens fan toi aussi ». En ce sens il y a une vraie révolution. Il s'agit d'une logique publicitaire qui n’a plus vraiment trait uniquement à un achat média mais qui relève plutôt de la communication, du buzz et/ou du brand content. Les plateformes sociales ont un réel impact sur le discours des marques, et elles peuvent changer la perception que les autres s’en font. Si, en tant qu'annonceur, on s'expose sans avoir quelque chose de pertinent à raconter, on le paye très vite.
RC : On parle beaucoup de Facebook, mais l’achat sur les autres plateformes sociales comme Twitter ou LinkedIn fonctionne-t-il selon les mêmes principes ?
BV : Une spécificité commune à tous ces acteurs réside dans le fait qu’ils générent une grande partie, voire la totalité pour certains, de leurs revenus par les campagnes bookées directement dans leurs plateformes publicitaires. Pour une grande partie des campagnes achetées cela élimine les échanges commerciaux entre vendeurs et acheteurs et change radicalement la chaîne de commercialisation des espaces publicitaires en rendant l’accès aux inventaires beaucoup plus fluide. En revanche, pour l'instant, seul Facebook met à disposition des acteurs tels que nous une API. Nous espérons que tous les acteurs dans un futur proche donneront l’accès direct à leurs inventaires en nous laissant nous y connecter grâce aux plateformes que nous déveleppons de notre côté pour faciliter les achats et les optimisations de campagne.
RC : Dans les faits, comment ONESIXTY2 travaille-t-il sur ces plateformes ?
BV : Ce n’est pas parce que les achats médias se font de plus en plus au travers de machines et que les technologies ont un rôle de plus en plus en préponderant qu’il faut oublier les bases du métier de conseil média. La première chose, c'est de bien écouter l'annonceur, de comprendre sa problématique, de savoir comment il va juger la réussite d’une campagne en fonction de ses objectifs, et de l'aider à comprendre les Key Performance Indicators asociés à ses actions. Il faut donc en premier lieu une discussion ouverte avec l'annonceur sur ses objectifs réels. Ensuite, il faut définir les moyens qu'il est à même de mettre en oeuvre en fonction des objectifs qu’il a à atteindre. Ce qui peut être compliqué, c'est d'arriver à toucher uniquement des contacts utiles ou potentiellement utiles en faisant en sorte qu'ils soient nombreux ; ce sans dégrader les KPI les plus intéressants en fonction des objectifs. Si c'est de la notoriété, il faut éviter la déperdition par rapport à la cible ; si c'est de l'engagement, il faut maintenir un taux d'engagement du fan qui soit satisfaisant même si on augmente le nombre de fans ; si c'est du ROI, il faut obtenir le coût d'acquisition souhaité tout en parvenant à obtenir des volumes satisfaisants. Notre métier est donc d'arriver à trouver ces poches, ces cibles utiles, et de toucher le maximum des individus qui en font partie sans pour autant dégrader les indicateurs de performance derrière.
RC : Comment obtenir les meilleurs résultats quand on n'a pas de référent ?
BV : Beaucoup d'annonceurs sont venus au social et sur Facebook en se disant qu'il y avait là un potentiel conséquent d’hypertargeting. C’est une réalité, attention simplement à, encore une fois, bien définir les objectifs de campagnes pour utiliser au mieux le potentiel de ces plateformes sociales. Au niveau des coûts on peut même significativement faire baisser les coûts au clic ou les coûts par action d’engagement après un passage par une rapide courbe d’apprentissage, mais cela nécessite quand même une bonne méthodologie et de l’expérience. Pour parvenir aux meilleurs résultats sur Facebook, il faut multiplier les combinaisons âge, sexe, localisation, centre d'intérêt, en les faisant correspondre avec la création qui a elle-même trois composantes : un header, une body copy et une image. On a donc sept éléments de base à agréger. A partir de là, on va faire le maximum de combinaisons possibles, les pousser, regarder ce qui remonte le mieux, arrêter ce qui ne marche pas et conserver uniquement ce qui fonctionne. A partir de ce qui marche concrètement, on va utiliser des techniques de corrélations entre les données remontées pour amplifier la portée des combinaisons les plus efficaces. En complément, à un niveau autre que le celui du simple aspect de gestion des campagnes, ce qui est interessant – grâce au nombre conséquent d’utilisateurs Facebook – c’est qu’on peut tirer un maximum d’insights en testant un nombre conséquent d’axes de communication et de segments cible à moindre coût en real time sur un environnement concret.