Interviewé : Hervé Brunet, Président co-fondateur.
Ratecard : Les dépenses publicitaires sur les formats vidéo sont encore marginales en France (moins de 3% des investissements) : à votre avis, quel est le potentiel de croissance de ce marché ?
Hervé Brunet : La vidéo in-stream reste marginale au niveau des dépenses, mais si on fait attention aux recettes, c'est une autre histoire. Le display en 2011 a généré 600 millions d'euros de recettes et, dans ce marché display, la vidéo a pesé 60 millions d'euros, soit 10%. Son poids n'est donc pas du tout négligeable. D'ailleurs, en 2012, la publicité vidéo in stream va générer 100 à 120 millions d'euros de volume d'affaire, contre 12 millions d’euros en 2009. Ainsi, en à peine 3 trois ans, le marché va être multiplié par 10. En termes de croissance, jamais un segment du digital ne s'est développé aussi vite. Et cette vitesse s'explique par le mode de consommation du format in stream : c'est le seul format qui est déclenché spécifiquement par l’internaute. Celui-ci veut voir un contenu et accepte la publicité pour voir ce contenu. Il est engagé : la publicité est acceptée et visionnée, parce que c'est le contrat implicite de l’in stream. Aujourd'hui, 85% des internautes regardent les pré-rolls à 100%. Comme c'est un format très pertinent, les annonceurs s'y intéressent et investissent de plus en plus. Par ailleurs, l'autre explication de la croissance rapide de l'in stream réside dans sa complémentarité avec le média TV. En TV, les créations sont très chères. Un annonceur qui investit beaucoup d'argent dans une création publicitaire est heureux de pouvoir l'amortir aussi sur Internet. De ce fait, les agences recommandent désormais aux annonceurs de basculer une part de leur budget TV annuel sur la vidéo. Petit à petit, nous allons nous retrouver avec des volumes importants, tant au niveau de l'inventaire qu'au niveau des investissements.
RC : Ce format est-il adapté à tous les annonceurs ?
HB : C'est avant tout un format branding. D'abord parce que le contexte de visualisation incite plus au branding qu'à la performance. L'internaute veut voir un contenu, donc accepte de voir une publicité en amont. Par ailleurs, les créations publicitaires sont faites pour la TV, et les plans médias de la télévision répondent à des objectifs de branding. Cela ne veut pas dire qu'en in stream les objectifs de productivité n'existent pas (publicité vue, paiement à vision totale), mais ils ne constituent pas un levier fondamental, contrairement au display. Un annonceur très ROIste n'a pas forcément intérêt à investir autant qu’un annonceur branding en vidéo in stream, même si nous avons les moyens d'injecter du ROI dans les campagnes, parce que ce n'est pas l'objectif final. La performance vient compléter l'objectif de branding.
RC : Le pré-roll va-t-il rester le format dominant du marché ? Est-il le plus efficace ?
HB : Comme toujours cela dépend des objectifs de l'annonceur. Le pré-roll est très utilisé parce qu'il y a mécaniquement plus d'inventaire pré-roll que post-roll, et garantit de toucher les internautes. Mais le post-roll a des qualités que le pré-roll n'a pas : c'est la dernière chose qu'un internaute regarde, donc la mémorisation est supérieure et l'internaute est plus enclin à avoir une expérience publicitaire. Il est possible d’avoir des niveaux d'interactivité plus élevés en post-roll car les gens qui ont pris le temps de regarder le format jusqu'au bout ont envie d'avoir une expérience publicitaire étendue et sont prêts à interagir avec la marque. Le pré-roll reste roi car il est universel, on le retrouve sur tous les sites, mais il répond à des objectifs de campagne et des besoins d'efficacité différents.
RC : En parlant d'efficacité, comment mesurer l'impact des publicités vidéo sur les internautes ?
HB : La mesure de base est le taux de visualisation, équivalent au temps d’exposition. Ainsi nous pouvons dire quel pourcentage d’internautes a vu la publicité à 100%, 75%, 50%, etc. Les autres indicateurs pertinents sont, notamment, ceux qui permettent de mesurer la génération de trafic sur les pages de destinations ainsi que sur les réseaux sociaux : combien de redirections vers Facebook, Twitter ou autre ? On peut avoir aussi des indicateurs d'interactivité. StickyAdsTv propose des pré-rolls interactifs (Play Roll) avec des mini sites directement accessibles dans le pré-roll, pour une expérience prolongée avec la marque. On peut ainsi mesurer toutes les interactions que les internautes ont pu avoir dans le play-roll : ont-ils cliqué sur la pub ? Qu'ont-ils regardé dans le mini-site ? Quelle partie de la création interactive a été la plus intéressante ? C'est toute la beauté de l'in stream : nous sommes capables de construire une histoire publicitaire qui dure au-delà des 20 ou 30 secondes traditionnelles. Nous avons également développé l'AdSelector qui proposer à l'internaute de choisir le pré-roll qu'il souhaite visualiser. Ainsi, au lieu de diffuser par défaut un pré-roll, nous proposons à l’internaute trois vignettes qui représentent trois annonceurs différents : il choisi le pré-roll avec lequel il est le plus en affinité et indique ainsi sa préférence de marque. Le taux de clics explose et le taux de visualisation à 100% grimpe à 96%. Pour les internautes n’ayant aucune affinité avec l’une des publicités proposées, et pour ne pas fausser les statistiques, un quatrième pré-roll s'affichera par défaut. Car le fait qu'il ne choisisse pas est aussi une information. Au final, le fait qu’un internaute indique sa préférence de marque a beaucoup de valeur.
RC : Le 10 avril, l'IAB a dévoilé les nouveaux standards vidéos avec la mise à jour des spécificités VAST et VPAID et la mise en place du protocole VMAP (Video Multiple Ad Playlist) : quels vont en être les impacts ?
HB : StickyAdsTv est arrivée sur le marché avant que les normes VAST / VPAID existent. Nous avons donc du développer un logiciel, appelé Viper, qui s'intégrait dans le player de l'éditeur et permettait de faire l'équivalent de VAST / VPAID. Aujourd'hui, nous avons donc deux manières de travailler avec nos éditeurs : avec les normes IAB ou avec Viper, qui rend de toute manière les players compatibles VAST / VPAID. C'est à la fois un logiciel propriétaire et conforme aux normes IAB. Ces normes servent à fluidifier le marché de la publicité vidéo : pour qu'un marché se développe à grande vitesse, il faut que les choses deviennent simples et que tout le monde parle la même langue. C'est ce que VAST a réalisé dans un premier temps et ce que VPAID a permis pour l'interactivité. Les évolutions de VAST et VPAID sont bienvenues car on y rajoute des métriques, de l'interactivité, des analytics et une manière standard de compter les mêmes choses. Nous travaillons également sur la déclinaison de ces normes en mobile. Car bien sûr, il existe d'autres normes, ORMA et MRED (IAB), qui sont au mobile ce que VAST et VPAID sont au web. Dans notre logique multi-écrans, nous souhaitons offrir la même expérience publicitaire quel que soit le support. Nous sommes aussi les premiers à monétiser les vidéos sur les sites mobiles grâce à notre technologie compatible HTML5.
Il y a encore beaucoup à faire pour tout harmoniser. On peut par exemple constater une complète hétérogénéité au niveau des TV connectées : chaque constructeur de téléviseur a son univers, chaque opérateur aussi. Donc tout n'est pas encore gagné.
RC : On entend beaucoup parler du pont créé par la vidéo entre la TV et la publicité digitale. Ce format est-il le plus à même de séduire les annonceurs qui communiquent sur les medias traditionnels ? Représente-t-il l'avenir de la publicité sur internet ?
HB : La TV reste le média le plus puissant. Il serait plus judicieux d’offrir une certaine pertinence quant aux objectifs des annonceurs en ayant le meilleur mix media, plutôt que d'essayer de comparer et d'opposer les deux univers. Maintenant que les normes se généralisent, nous allons pouvoir prendre en compte l'inventaire vidéo TV. 30% des contenus catch-up sont regardés sur un écran TV à travers des Box. Comme nous l’avons dit précédemment, l'avenir est à l'harmonisation des écrans web, mobile, tablettes et TV (IP TV & TV connectées). Chez StickyAdsTV, nous sommes capables de mesurer le taux de visualisation d'une vidéo quel que soit l'écran, à la même échelle. Toutes les créations que l'on nous confie sont déclinées en fonction des écrans. Ainsi, si l’annonceur privilégie le taux de visualisation, nous lui conseillons de le diffuser sur l’écran TV ; à l’inverse, si l'annonceur veut augmenter son taux de clics, nous lui suggérons alors une campagne mobile. Avec la vidéo, nous prenons le meilleur de ce qui existe en média : le branding de la TV avec toute l’interactivité et le ciblage qu’offre le web associé à la précisions et aux mesures disponibles. Notre offre Prime Time Web suit d’ailleurs cette idée : la télé permet de toucher rapidement et massivement beaucoup de monde. Le web permet quand à lui de cibler rapidement et toucher uniquement les individus concernés. En d’autres termes, le format Prime Time Web n'agit que sur la cible choisie.
Ratecard : Quelle est la particularité de votre réseau par rapport à un réseau classique ?
HB : Il y en a plusieurs. Tout d’abord, nous avons un ADN vidéo media premium très fort, qui compose notre nom. Nous sommes ainsi la régie vidéo partenaire de plus de 15 chaînes TV, 4 groupes Radio, 4 majors ciné et musique, 2 grands groupes de presse, 2 portails généralistes… L’ADN 4 écrans et multi-formats est aussi une particularité car nous sommes la seule régie vidéo indépendante à diffuser des publicités sur tous les écrans connectés, tous les systèmes d’exploitation et sous tous les formats. Enfin, l’autre particularité très importante est que nous offrons à nos partenaires éditeurs et nos clients annonceurs, notre technologie unique et exclusive de gestion centralisée de tous les écrans, tous les formats, tous les analytics, tous les modes de ventes. L’in stream est donc un complément à la TV.
RC : Avec quelles technologies travaillez-vous ?
HB : Nous avons nos propres technologies propriétaires et exclusives pilotées par notre pôle R&D (Recherche & Développement), basé à Montpellier. Notre objectif est de développer des technologies transversales, multi-écrans, qui permettent de livrer des KPI identiques aux annonceurs. Nous avons lancé, il y a quelques temps, une suite de logiciels appelée StickyAds for Publisher / Advertiser qui agrège des datas pour les annonceurs et les éditeurs, qui les aide à structurer leur offre, à comprendre leur inventaire, à voir comment il évolue par site, par écran, par typologie, par audience… De plus, en développant nos technologies dans un marché en mutation, nous apportons un maximum de valeur à la chaîne dans laquelle on se trouve, en allant plus loin qu’un adserver traditionnel. Ce service apporté à nos partenaires et clients leur offre une largeur et une profondeur de visibilité sans précédent une longueur d’avance par rapport aux autres acteurs tant que notre technologie ne sera pas licenciée.
RC : Pourquoi s'être spécialisé dans la vidéo in stream ?
HB : Nous nous sommes spécialisés dans l’in stream car ce format n’était pas exploité. Ensuite, parce que le contrat de lecture est comparable à celui de la TV et enfin parce que les spots publicitaires peuvent être réutilisés. Par ailleurs, ce format à l’avantage de pouvoir adresser le marché TV (3 milliards d’euros en France) en offrant toutes les garanties et les bénéfices du web : les capacités de ciblages, l’interactivité et les analytics. Nous avons donc le meilleur des deux mondes et savons piloter à la fois le branding comme la performance.
RC : Vous proposez depuis peu un baromètre mensuel des tendances de la vidéo in stream. Sur quelle méthodologie vous fondez-vous ?
HB : En effet, nous proposons désormais une mesure mensuelle traduisant les chiffres et les tendances du marché de la publicité in stream. C'est une nouveauté que nous avons lancée en mars dernier et qui est fondé sur une pige effectuée de façon hebdomadaire sur plus de 50 sites représentatifs du marché dont 15 sites News et Actus, 8 sites Sports, 8 sites People, 8 sites Musique et Cinéma, 3 portails, 2 chaînes TV et autres. Ainsi que 7 chaînes de l’IPTV. On y retrouve les types de formats les plus utilisés, leur écran de diffusion (IPTV, web…), les secteurs concernés. Nous donnons ainsi des tendances observées et constatées.
RC : Quelle sont les règles à respecter pour faire une campagne vidéo efficace ?
HB : Il y a plusieurs critères à respecter. La pression publicitaire que l'on exerce sur nos internautes est plus faible que sur les chaînes TV qui sont soumises à des tunnels de plusieurs publicités. En in stream, il n’y a qu’un seul annonceur par position. Cette exclusivité est précieuse et a un impact très positif sur la mémorisation. Ensuite, plus le contenu est exclusif, plus il est premium, plus il est proche d'un contenu TV et plus l'internaute le regardera. Il faut aussi un ratio durée de la publicité / durée du contenu acceptable. A ce titre, nous nous imposons des règles éditoriales : en fonction de la durée des contenus, nous diffusons des publicités plus ou moins longues. Il n'y a pas de publicité vidéo pertinente sans réflexion sur le contenu. Il faut valoriser deux écrins : l'écrin « média », à savoir le site lui-même ; et l'écrin contenu. Le taux d'acceptation de la publicité sera beaucoup plus élevé car l'internaute vient pour voir un contenu de qualité. La performance publicitaire est intimement liée au contexte dans lequel on se trouve et la vidéo est le seul espace publicitaire adossé à un contenu, les autres espaces publicitaires ne sont « que » des espaces publicitaires.