Par Christine Removille, responsable de l’activité Interactive et Analytics d’Accenture France Benelux.
L’explosion des investissements en publicité sur le mobile s’est faite longtemps attendre. Elle arrive, grâce aux dernières évolutions technologiques : formats innovants et interactifs, amélioration du tracking des campagnes, web adaptatif qui ajuste les sites à la taille de l’écran et apparition des places de marché publicitaires sur mobile.
Le marché de la publicité mobile est complexe, sa croissance est donc difficile à anticiper, et les annonceurs peinent à s’organiser car ils sont en présence d’une multitude d’acteurs.
En plus des acteurs de la publicité digitale « classique », qui ont développé des compétences et offres sur mobile (agences, régies, serveurs d’annonces : adservers), il existe un certain nombre d’acteurs spécialisés :
– les régies Mobile : elles commercialisent en exclusivité les espaces mobiles de sites premium (Mbrand3, Yoc, MobValue, SFR Régie, TF1 et Orange publicité…) ;
– les réseaux de commercialisation d’espaces (adnetworks) : régies non exclusives (Google, InMobi, Millenial Media),
– les acteurs des enchères en temps réel (Real-Time-Bidding ou RTB),
– les outils de mesure d’audience (web analytics) spécialisés comme Flurry ou Capptain,
– les agences de marketing mobile telles qu’Ad4screen, Nemo Agency ou Pureagency ; certaines sont plus particulièrement dédiées aux applications mobiles : Surikate ou TradeMob.
2013 : l’année où tout a véritablement commencé
Même si la croissance des investissements publicitaires dans le digital va très certainement connaître un ralentissement dans les années à venir, le mobile, la vidéo, le RTB et les requêtes sur moteurs de recherche (search) – notamment le mobile associé au search – restent sur une trajectoire ascensionnelle.
La croissance des investissements sur le mobile en 2013 s’accélère : la part du mobile dans les dépenses digitales a augmenté de 5% en 2012 et 8% en 2013, atteignant 79 millions d’euros nets en affichage (display) – 60 millions sur le mobile uniquement, tablettes exclues. La France est cependant en retard sur les USA (14% de croissance) et l’Angleterre (17%). La part du mobile devrait atteindre entre 15 et 20% en 2017. En 2013, la croissance des investissements sur le mobile en requêtes + affichage (search + display) est de 57% par rapport à 2012 (Source : baromètre SRI PWC 2013).
Notre projection de croissance se confirme par certaines actions déjà entreprises sur le marché : les grandes marques Internet se positionnent sur le mobile. Par exemple, Google a racheté AdMob en 2009, Twitter MoPub en 2013… et Mark Zuckerberg déclarait en 2012 : « Facebook is a mobile company ». Le mobile est d’ailleurs un axe de développement stratégique pour Facebook : 50% de ses utilisateurs se connectent à Facebook uniquement via leur mobile et la société a réalisé 53% de son chiffre d’affaires sur le mobile au 4e trimestre 2013.
Les 8 moteurs de la croissance
La publicité mobile permet de mieux cibler, de créer une proximité avec le consommateur et l’inciter à acheter en magasin via la géolocalisation qui génère du trafic dans les enseignes physiques.
Un exemple : je suis à la recherche d’une voiture de sport et fais une requête par Google sur mon smartphone. S’affiche alors une annonce lien sponsorisé pour BMW, avec l’adresse et le numéro de téléphone du concessionnaire le plus proche de ma localisation actuelle.
Google a effectivement développé des fonctionnalités spécifiques appelées « extensions de lieu » qui affichent dans l’annonce l’adresse du point de vente le plus proche. En 2014 en France, Google estime que 30 à 40% des requêtes sur l’automobile se feront par smartphone ou tablette : on peut imaginer le potentiel des futurs investissements en requêtes sur mobile…
Les obstacles s’aplanissent grâce aux dernières évolutions technologiques. Les formats publicitaires sur mobile, par leur taille et les contraintes techniques liées à ce média, manquaient d’impact visuel et mémoriel. Mais cela évolue avec l’apparition de formats plus innovants et interactifs : habillage de sites, intégration de vidéos dans le fil d’actualités de Facebook (permise par le rich media en HTML5), augmentation du débit de l’Internet mobile (forte accélération à venir avec la 4G), évolution des smartphones…
Le tracking des campagnes mobiles était difficile. Les informations restaient souvent limitées au nombre d’impressions, de clics et de contacts uniques. Mais là aussi, l’évolution est nette : le rachat de AD-X Tracking par Critéo l’année dernière montre la volonté des acteurs du marché de proposer un tracking plus complet des actions marketing menées sur mobile.
Le déploiement multi-supports du contenu est en plein essor. Les nouvelles technologies de découplage des contenus (content decoupling) rendent accessible un même contenu sur un ensemble de terminaux. Accenture a par exemple acheté AvVenta, spécialisé sur ce sujet. Par ailleurs, l’explosion du web adaptatif (responsive design) permet d’accéder à un site depuis n’importe quel terminal. Le site s’adapte à la taille de l’écran. Auparavant, on devait développer deux sites : l’un pour ordinateur, l’autre pour mobile.
L’offre est aussi plus accessible, simple et appropriée. L’accessibilité de l’offre et des inventaires s’accroît avec le développement du RTB Mobile : les places de marché publicitaires (Ad Exchanges) sur mobile. Aux Etats-Unis, selon un rapport IDC, le RTB mobile devrait atteindre 1 milliard de dollars en 2015 et 3 milliards en 2017. Il ne représentait que 4% des investissements RTB en 2013.
L’offre se simplifie avec les campagnes universelles de Google lancées en 2013. Les annonceurs peuvent désormais gérer simplement leurs campagnes de liens sponsorisés sur l’ensemble des terminaux.
Les dernières innovations sur mobile mettent mieux en valeur les marques à travers la publicité intégrée (native advertising). Le contenu de marque est intégré au contenu éditorial d’un support et se fond dans l’expérience utilisateur. Le message d’un annonceur apparaît par exemple dans le fil d’actualités d’un site. En pleine expansion, le native advertising est particulièrement adapté au mobile car il résout le problème des tailles d’écran. En effet, lorsque nous consultons un site sur mobile, le format ne met pas en avant la colonne de droite où sont classiquement positionnées les publicités. Intégrer des publicités dans le contenu du site permet de les rendre plus facilement visibles.
Les annonceurs ont eux aussi évolué. Ils se lancent plus facilement dans des stratégies multi-écrans, favorisant ainsi le développement de la publicité sur mobile.
La publicité sur le mobile va se développer mais ne soyons pas trop intrusifs ni mal ciblés !
Voici quelques recommandations : il est très important que la publicité soit bien intégrée sur le mobile et bien ciblée : la perception d’intrusivité est plus forte que sur l’ordinateur car le mobile est un terminal plus personnel. Facebook vient par exemple d’annoncer le lancement d’une offre publicitaire sur applications mobiles : les perspectives de ciblage des publicités délivrées dans ces applications sont immenses.
Il est impératif de dissocier les campagnes sur mobile et tablette, donc d’adapter sa communication en fonction de ces terminaux car le contexte d’exposition est différent : la taille de l’écran (par conséquent la taille des formats publicitaires), le moment de consultation… La tablette correspond à une communication essentiellement à domicile alors que la consultation mobile se fait plus en extérieur.
Une approche progressive d’apprentissage par tests est recommandée pour ajuster les dispositifs en fonction des premiers résultats des tests.
Enfin, les pays émergents sont très utilisateurs de mobile : il est donc primordial pour les multinationales françaises de prendre le virage de la publicité sur mobile dans ces zones.